Notre Dame de la route
Le dimanche 10 août 1944, Thieux a fêté le retour de ses prisonniers en édifiant à l’entrée du village une statue à Notre Dame de la route.
Après les dures années d’exil, les 28 prisonniers de notre petit village revinrent un à un au milieu de la joie générale. Pour les accueillir, le village se rassemblait à l’entrée du pays, à l’endroit même où la statue de la Vierge a été édifiée, et chaque prisonnier était accueilli avec enthousiasme par les gens du village au son joyeux des cloches de l’église. Les prisonniers ont gardé de ces instants un souvenir inoubliable ; aussi entendait-on, dans le village le souhait maintes fois exprimé, qu’il fallait perpétuer par un monument pieux la reconnaissance que les prisonniers avaient vouée à Notre Dame. Les dames de la ligue s’emparèrent de cette idée et organisèrent une collecte qui permettrait d’acheter une statue de la Vierge. Mgr Roeder, ému du geste noble et touchant des prisonniers de Thieux, promit d’assister à l’érection de la statue. Pour avoir la présence de Monseigneur, il fallut fixer la date de la fête en pleine moisson, mais notre population rurale, malgré le dur labeur auquel elle se livre en Août, ne recula devant aucun sacrifice.
Le dimanche 10 août, la Grand-Messe fut chantée par Mr Constant supérieur du Grand Séminaire, en présence de Mgr l’évêque de Beauvais, de Mgr Bellanger, de Mr le Doyen de Froissy et Mr l’abbé G. Les orgues étaient tenues par le dévoué Mr Herteleer et maitre Jaudran fit entendre, au cours de la Messe des chants pieux et recueillis. L’église était ornée, avec un goût harmonieux et sûr, par Mr l’Abbé Colineau, curé de la paroisse, qui avait conçu pour la circonstance une décoration artistique et originale. L’assistance était nombreuse et rares étaient les foyers qui n’étaient pas représentés.
Monseigneur félicita les prisonniers, qui se pressaient nombreux autour de lui, de leur attachement à la Vierge et évoqua pour eux tout ce que pouvait suggérer Notre Dame de la route. Il leur conseilla de prendre Notre Dame de la route comme guide et comme conseillère pour les aider à suivre le chemin de la vie et à atteindre le port. L’après-midi, une procession s’organisa parmi les rues décorées de notre petit village. La statue de Notre Dame de la route, trainée par un char et entourée de tous les prisonniers, traversa le village, bénissant chaque foyer, avant d’être fixée à l’entrée du village.
Monseigneur voulut encore honorer de sa présence la procession et bénir tout particulièrement les maisons qui, par leur ingénieuse décoration avaient le plus fêté la Vierge. Pendant que la Vierge était fixée sur son piédestal, la foule massée derrière le voile qui cachait la statue récita deux dizaines de chapelet et entendit une dernière fois Monseigneur. Puis, au milieu du silence, les prisonniers firent tomber le voile, et la statue apparut dans toute sa blancheur, fixée désormais sur son piédestal.
Le 10 Août, qui fut une journée d’union et de reconnaissance, laissera au cœur des assistants un souvenir inoubliable.
Pour l’anecdote, Le premier prisonnier de guerre qui est rentré au village était Michel Jouvallier. (que quelques-uns d’entre nous ont connu). Les habitants de Thieux qui l'on accueilli étaient choqués par sa blessure de guerre au visage.Il entonna "la Marseillaise" en arrivant à l'entrée du village.